Des hommes décrivent les bénéfices qu’ils retirent de la violence domestique

Racines Féministes
7 min readMay 1, 2023

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Pendant de nombreuses années, j’ai animé des groupes de parole d’hommes violents condamnés par la justice.

Au début des années 80, nous travaillions avec eux sur le développement de compétences relationnelles saines, l’identification de leurs émotions, leur maîtrise de soi, ainsi que sur leur gestion de la colère, entre autres questions connexes.

C’est alors que des femmes battues de Duluth, dans le Minnesota, ont commencé à se réunir pour discuter de l’impact que la violence avait eue sur leur vie.

Il en est ressorti que les hommes qui les battaient ne les agressaient pas seulement physiquement, mais contrôlaient aussi où elles allaient, à qui elles parlaient, ce qu’elles portaient, où elles travaillaient, si elles en avaient le droit, comment leur argent était dépensé, quand, avec qui et comment elles avaient des relations sexuelles, comment les enfants étaient élevés, comment le travail domestique était réparti dans le foyer. Vous voyez le tableau.

En gros, des hommes contrôlaient des femmes pour obtenir ce qu’ils voulaient… et la menace de et/ou l’usage de la violence étaient le moyen qu’ils utilisaient pour parvenir à leurs fins.

À l’époque, dans les groupes de parole que j’animais, je formais ces hommes à faire preuve d’assertivité en cas de conflit avec leur femme ou leur petite amie, en leur apprenant à accéder à leurs sentiments et à les exprimer de manière appropriée.

Je les renvoyais ensuite chez eux pour qu’ils mettent ces acquis en pratique. La semaine suivante, ils revenaient et me signalaient que leurs nouvelles “compétences” en matière d’assertivité ne fonctionnaient pas.

Je leur avais alors demandé pourquoi et ils m’avaient répondu : “Parce qu’elle continue à faire A, B, C et D et qu’elle n’a pas voulu faire X, Y et Z.” C’est-à-dire faire ce que lui voulait.

J’ai alors compris que j’enseignais aux hommes différentes compétences relationnelles et de communication et qu’ils ne les mettaient en pratique que pour tenter de contrôler les femmes avec encore plus d’efficacité.

Quel était donc leur objectif ? Pourquoi déployer un tel comportement contrôlant et abusif ?

Un soir, j’ai commencé notre réunion en leur demandant quel était, selon eux, les bénéfices qu’ils retiraient de leur violence.

Au début, ils se sont tous regardés et ont répondu : “Il n’y a aucun bénéfice à cela”.

Cela ne m’a pas surpris, car les hommes violents nient systématiquement leurs actes, tout comme ils nient leurs intentions.

Je leur ai donc dit : “Eh bien, il doit y avoir certains bénéfices à cette violence ; sinon, pourquoi le faire ?” Ils se sont à nouveau regardés, puis l’un d’entre eux a finalement admis qu’il y avait certains bénéfices à en retirer ; puis ils ont tous repris la parole jusqu’à ce que le tableau en quatre par trois sur lequel j’écrivais leurs réponses, soit intégralement rempli.

Voici pêle-mêle une liste des bénéfices qu’ils m’ont indiqué en retirer (jusqu’à ce que nous ne disposions plus d’espace sur le tableau pour continuer à en écrire) :

  • Elle a peur et n’a plus envie de sortir et de dépenser de l’argent.
  • Faire ce que je veux : sortir
  • Du respect
  • Elle ne réplique pas
  • Sentiment de supériorité : elle doit me rendre des comptes sur son emploi du temps : C’est moi qui décide
  • Maintien de la relation — elle a trop peur de moi pour parti
  • Obtenir l’argent
  • Obtenir du sexe
  • Contrôle total sur la prise de décision
  • Utiliser l’argent pour acheter de la drogue
  • Ne pas avoir à changer pour elle
  • Puissance
  • Décider de la direction à donner à relation de couple
  • Contrôler qui elle voit
  • Contrôler comment elle s’habille
  • Contrôler les enfants
  • Si elle est en retard une fois, elle ne le sera plus jamais
  • L’intimider
  • Elle a peur et ne peut pas m’affronter
  • Je peux la convaincre qu’elle fait n’importe quoi
  • Elle n’a plus aucune dignité et cède donc à tous mes désirs
  • Elle m’admire et accepte mes décisions sans discuter
  • Décider de sa vie sociale — ce qu’elle porte — afin que je puisse me servir d’elle comme d’un faire-valoir
  • La convaincre que c’est de sa faute si je l’agresse
  • Elle est un objet
  • (J’obtiens gratuitement) une baby-sitter, une femme de ménage, du sexe, de la nourriture
  • Gonfler mon ego
  • Elle me dit que je suis génial
  • Le droit de se vanter
  • Si elle travaille, profiter de son argent
  • La convaincre de quitter son emploi pour qu’elle puisse s’occuper de la maison
  • L’isoler pour que ses amis ne puissent pas me demander des compte
  • Décider de la manière dont l’argent soit être dépensé
  • C’est moi le Chef de famille
  • Acheter tous les gadgets que je veux
  • Prendre du temps pour moi
  • Si je détruits ses affaires, je la rends dépendante de moi
  • J’ai le droit de tout savoir de ses faits et gestes
  • Elle prend soin de moi, c’est mon infirmière
  • Elle me réconforte
  • Le dîner est sur la table
  • Inviter des amis sans qu’elle le sache = plus de travail… pour elle
  • Pas de compromis = plus de liberté
  • Ne pas avoir à écouter ses plaintes pour ne pas l’avoir mise au courant de certaines choses
  • Elle travaille à mon profit
  • Je n’ai pas besoin de l’aider
  • Je n’ai pas besoin de traîner avec elle ou avec les enfants.
  • Décider des valeurs selon lesquelles élever les enfants — avec qui ils jouent, l’école qu’ils fréquentent ou alors pouvoir m’en désintéresser complètement — décider de ce dont ils ont “besoin” : nourriture, vêtements, loisirs, etc.
  • Dicter la réalité, etc.
  • Les enfants sont de mon côté et contre elle
  • Les enfants font ce que je dis
  • Former les enfants pour qu’ils m’aident à faire ce que je veux faire
  • Les enfants gardent le silence sur les abus
  • Pas besoin de se lever, de sortir les poubelles, de surveiller les enfants, de faire la vaisselle, de se lever la nuit avec les enfants, de faire la lessive, de changer les couches, de nettoyer la maison, d’amener les enfants à leurs rendez-vous ou à leurs activités, de passer la serpillière, de nettoyer le réfrigérateur, etc.
  • N’avoir de comptes à rendre à personne
  • Pouvoir faire ce que je veux, quand je veux
  • Pouvoir nier mes antécédents de violence et autres comportements irresponsables
  • Écrire l’histoire
  • Déterminer les projets d’avenir
  • Choisir les batailles et ce qu’elles lui coûteront
  • Prouver ma supériorité
  • Remporter toutes les disputes
  • Ne pas avoir besoin d’écouter ses envies, ses plaintes, sa colère, ses craintes, etc.
  • Fixer les règles et les enfreindre quand je le souhaite
  • Elle ne peut pas obtenir d’aide contre moi parce qu’elle n’a pas d’amis pour la soutenir et qu’elle est dans un état de confusion grâce à mes mensonges
  • La convaincre qu’elle est folle
  • La convaincre qu’elle n’est pas attirante
  • La convaincre qu’elle est responsable de tout ce qui ne va pas
  • La convaincre que c’est elle le problème
  • Je peux me débarrasser d’elle quand je veux
  • Je peux utiliser les enfants pour “espionner” leur mère
  • Les enfants ne diront pas à leur mère ce que j’ai fait
  • Les enfants ne me contrediront pas
  • Ne pas avoir à lui parler
  • Je suis le Roi dans mon château
  • Je peux prendre la tangente quand je veux
  • Avoir quelqu’un sur qui se défouler
  • Avoir quelqu’un qui m’écoute me plaindre
  • Elle ne peut pas appeler la police
  • Dire aux enfants qu’ils n’ont pas à écouter leur mère
  • Faire en sorte qu’elle abandonne les poursuites
  • Faire en sorte qu’elle me soutienne auprès de sa famille, de la mienne, des flics, du juge, de la SCIP, des procureurs, etc.
  • La faire accepter que tout est de sa faute

La première fois que j’ai fait cet exercice, j’ai regardé le tableau et je me suis dit : “Seigneur ! Pourquoi y renonceraient-ils ?”

J’ai alors décidé de poser la question aux hommes : Pourquoi y renoncer ?

Ils ont alors rempli l’équivalent d’une demi-feuille A4 sur le tableau noir avec des considérations comme “ne pas se faire arrêter”, “divorcer”, “avoir une ordonnance de protection contre vous”, “les enfants une fois adultes ne vous invitent pas à leur mariage”, “devoir aller dans des groupes comme celui-ci”.

C’est à peu près tout.

C’est la première fois que j’ai pleinement compris la nécessité d’une réponse communautaire cohérente et coordonnée par l’intermédiaire des systèmes judiciaires pénal, civil et familial, qui puissent mettre en œuvre des interventions sûres et efficaces pour responsabiliser les hommes qui commettent des violences, tout en préservant la sécurité des femmes, des filles et des garçons qu’ils maltraitent.

C’est ce jour-là que j’ai réalisé que si je devais choisir entre la mise en place de groupes de parole pour les hommes qui battent et une réponse efficace et cohérente des tribunaux pénaux, civils et de la famille à la violence domestique, je choisirais à chaque fois la réponse des tribunaux pénaux, civils et de la famille.

Ces hommes ont tout simplement trop de bénéfices à retirer de leur comportement violent et abusif.

Après cette première fois où j’ai interrogé les hommes sur les bénéfices qu’ils retiraient de leur violence, j’ai commencé à être beaucoup plus efficace dans mon travail.

J’ai été stupéfait de voir à quel point les groupes que j’animais ont commencé à changer une fois que j’ai reconnu et rappelé que leur violence était efficace pour parvenir à leurs fins — et que c’était pour cela qu’ils l’utilisaient.

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Chuck Derry est directeur du Gender Violence Institute (genderviolenceinstitute. org) à Clearwater, Minnesota, membre fondateur du North American MenEngage Network (NAMEN) et membre du conseil d’administration de la MenEngage Global Alliance. Il peut être contacté à l’adresse suivante : gvi@frontiernet.net. © 2015, Gender Violence Institute.

Pour lire l’article original : Abusive men describes the benefits of violence

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